Nom de l’œuvre : Assassination Classroom Auteur : MATSUI Yuusei Artiste : MATSUI Yuusei Parution : 2012 Origine : Japon Genre : Shonen, Action, Comédie Etat : Scans : En cours ; Anim : None Personnages Principaux : Les étudiants de la classe 3-E / Kurasuma / Koro Sensei

Pitch :

Après avoir détruit la Lune, celui qui se fera plus tard appeler Koro-sensei est devenu l’ennemi public numéro 1 sur Terre. Ressemblant à un poulpe, ses capacités régénératrices et destructrices ont forcé les gouvernements à jouer selon ses règles, à savoir enseigner dans une classe d’école, dont les étudiants seraient les seuls à pouvoir le tuer avant qu’il ne mette ses plans de destruction de notre planète à exécution.
La classe 3-E se retrouve donc à apprendre à assassiner, tout en suivant un cursus des plus normals, avec comme enseignant principal cet énergumène pour le moins singulier.

Critique :

Assassination Classroom est un manga qui se pare d’une identité graphique aussi troublante qu’atypique, les traits des personnages sont assez particuliers et laissent un goût mi-figue mi-raisin lors de l’attaque. Non content de se démarquer sur le trait, le rendu au niveau des personnages semble également assez surprenant, il faudra être vif à l’œil ou doté d’un bon sens du gamble pour différencier le sexe des personnages (étudiants pour la plupart), on pourra se dire que ce n’est pas la première œuvre à laisser cette question en suspens et ça ne sera pas la dernière non plus, mais cela constitue une partie importante de l’étrangeté que l’on peut associer à ce manga.

Il faut souligner que le design de Koro-sensei est des plus singuliers, ce qui est probablement l’une des variables prise en compte par l’auteur lors du choix de la patte graphique dans cette réalisation, la cohérence semble donc être au rendez-vous.
Très peu brouillon malgré cette accroche assez peu engageante, on se retrouve facilement dans les environnements, aussi divers que variés, car effectivement si la classe 3-E constitue assurément le stage majeur de la série, les déplacements seront nombreux et amèneront des changements bienvenus pour des questions de lassitude.
Autre point important sur la considération technique de cette série, la sensation de vitesse est plutôt bien dépeinte et c’est un fait relativement important, mais pour savoir pourquoi, il faudra bien sûr s’aventurer dans Assassination Classroom.
Du point de vue des émotions, le rendu est globalement satisfaisant, même s’il n’est pas de haute volée. Le sang-froid et l’opportunisme caractéristique des apprentis assassins entrent dans une contradiction très intéressante avec leur condition d’adolescents à la base innocents et naïfs…

Le pitch semble alambiqué, mais il reflète la réalité de la trame principale de cet ouvrage complètement capillotracté et c’est un choix parfaitement assumé, non pas que la crédibilité ne soit pas importante ici, mais presque. Il faut prendre cet environnement, cette classe ainsi que ce but final, qu’on aura tôt fait d’oublier, à un degré élevé sous peine de ne pas accrocher du tout. Cela ne constitue pas pour autant une difficulté majeure, la dimension comique est plutôt présente au fur et à mesure que l’on avance dans cette ambiance pour le moins saugrenue.
Si l’on oublie souvent que Koro-sensei est la cible à abattre, les dérivatifs scénaristiques intentionnellement proposés par l’auteur demeurent loufoques et assez biens amenés…

Pourtant, le pari n’était pas gagné d’avance, si Assassination Classroom se laisse lire plutôt facilement, on se posera souvent la même question : Quel est l’intérêt de partir dans tout ce wtf ?
Le tout est bien ficelé, là n’est pas le problème, il faut prendre le tout au second degré, d’accord c’est assimilé. Mais pitié que l’amoncellement d’inepties peut être pesant. On en vient finalement à se demander, à part l’aspect complètement défouloir, de la légitimité de l’existence du manga, sur un plan simplement cartésien.
De surcroît, on pourra par moments déplorer un aspect “gnian-gnian” plutôt dégoulinant, dans la relation de Koro-sensei avec la classe notamment. Koro-sensei incarnant la sagesse et la connaissance absolue, et ce malgré ses motivations obscures, on se retrouvera souvent incrédule devant ses interventions certes pertinentes une fois replacées dans leurs contextes, mais un poulpe mutant faisant la morale sur les sentiments à de jeunes ados, on repassera pour la vraisemblance.

Concernant le casting de la série, les mêmes faciès réapparaissent très régulièrement, avec graduellement des ajouts, on se retrouvera donc avec de nouveaux arrivants dans cette classe 3-E, ou bien des élèves pousseront en plein milieu de cette dernière, au choix. Mais le point qu’il est intéressant de mettre en avant est que chaque élève a, à un moment ou à un autre, son heure de gloire, pouvant ainsi mettre en avant ses qualités et briller d’une petite lueur que l’auteur lui aura donné.
S’il faut retenir une chose et une seule, c’est que cette classe est censée représenter la déchetterie de cette école privée ultra select. Tous ces élèves qui, d’une manière ou d’une autre autre et pas forcément pour des résultats scolaires en bernes, ont été rejeté par un système éducatif cruel, faisant passer les motivations du sensei pour un voyage d’agrément. On se satisfera donc de voir que même le bas du panier arriver à se sortir les doigts pour finalement se faire connaître et reconnaître par les autres et avec panache s’il vous plaît.
L’équipe pédagogique assignée à cette classe est également particulièrement singulière, entre le membre des forces spéciales et la très affectueusement nommée “bitch sensei”, le rire est souvent garanti. Koro-sensei, comme évoqué plus tôt, représente la caution sagesse mais également déjantée, c’est bien connu, ce qu’un poulpe enseignant peut apporter à une classe difficile.

Comme évoqué, le manga en lui-même ne semble pas particulièrement moralisateur, tout du moins pas en surface, car plusieurs points sous-jacents peuvent être relevés et apportent un aspect plus sérieux qui n’est pas forcément négatif. Tout d’abord cette classe 3-E, ou du moins son existence en tant que classe pour les rebuts de la société. Elle constitue un exemple de déchéance scolaire qui instaure une certaine émulation au sein de l’établissement, fait assez malsain d’une certaine manière, mais pas forcément idiot quand on y pense. On peut facilement établir un parallèle avec notre société actuelle qui pointe l’échec du doigt et qui ne félicite pour autant la réussite, la trouvant tout simplement normale ?
Si cet aspect de l’ouvrage peut être retourné et exploité sous toutes les coutures, comme réflexion négative, la relation Koro / classe est quelque chose de très intéressante et particulièrement pertinente – en faisant abstraction de la nature même du professeur ici présenté – dans le processus de reprise de confiance en soi. Ces élèves considérés comme des moins que rien par le regard extérieur, stigmatisés et mis à l’écart, vont trouver en cet enseignant pas comme les autres une “personne” voyant en eux ce que les autres n’ont pas voulu remarquer, et ainsi cultiver un potentiel dénigré… Une fois encore, c’est un fait que l’on peut extrapoler ici-bas, il suffit parfois d’une personne pour en changer une autre.

Assassination Classroom est en apparence un manga très superficiel, dosant le “what the fuck” aussi subtilement que l’assaisonnement d’un petit gars désireux d’apprendre la cuisine… Koro-sensei est le porte-étendard d’une bouffonnerie assumée jusqu’au bout des ongles et la mise en scène suit ce principe à la lettre. Pourtant le moment passé n’est pas forcément mauvais, il est même plutôt honnête, la réflexion qui peut en découler est même intéressante. Mais il est évident que l’œuvre pourra s’apprécier autant qu’elle générera l’indifférence.