Chroniques


La religion et le jeu vidéo

Rédigé par Jarps       dans  Lugeekosophie       12 Mai 2014

Bonjour à tous, bienvenu pour cette deuxième session de Lugeekosophie. J’espère que vous avez bien appris la leçon précédente, et que vous avez bien étudié l’ouvrage que je vous avait conseillé. On ne va donc pas perdre de temps et plonger directement dans notre sujet du jour : la religion.

On sait bien que s’il y a DEUX sujets au monde qu’il ne faut SURTOUT PAS aborder lors d’un repas de famille, c’est la politique et la religion. Mais si les arguments politiques peuvent (plus ou moins) se valoir les uns les autres en fonctions des avis personnels, la religion n’inclue pas d’avis, elle. Elle n’inclue que des croyances. Et on devrait pouvoir parler de croyances librement, pour peu qu’on ne s’amuse pas à taper sur celles des autres. Et puis c’est bien connu, la religion, c’est comme un pénis. T’as le droit d’en être fier, mais pas de faire l’hélicoptère avec devant tout le monde, ni essayer de l’imposer à ceux qui n’en veulent pas ! Je n’ai pas de métaphore pour les filles, tant pis pour elles.

Bon, tout ça pour dire, on va parler de religion dans le jeu vidéo, sans leur taper dessus, ni en prôner une plus que les autres.

083010at_terrorist_800

La première chose qui nous vient à l’esprit, quand on parle de jeu vidéo et de religion, c’est l’islam et le terrorisme. Pourquoi ? Parce les jeux de guerres, principalement développés ou édités par des studios américains, ont été marqués par la montée du terrorisme, symbolisée par les attentats du World Trade Center. Al Quaïda, guidé par une idéologie islamique guerrière, est de ce fait devenu un ennemi de choix pour les scénaristes qui pouvaient ainsi donner très facilement l’impression au joueur d’être un sauveur, un combattant de sa nation, sans avoir à se lever de son canapé.

Il y a fort à parier que si ces attentats avaient été revendiqués par des Islandais, nous aurions eu un Call Of Duty- Kill the Vikings. Mais la vraie question est : si le gros des productions vidéo ludiques était réalisé par des terroristes, les méchants seraient-ils alors des américains ?

Parce qu’au final, l’impression qui ressort de ces jeux de guerres, c’est que l’apparition d’une religion, du côté des « gentils » comme du côté des « méchants », ne sert que des buts politiques, tel une propagande de guerre, où la religion n’est qu’une caractéristique permettant de définir tel ou tel personnage comme « ami » ou « ennemi ».

On généralise un peu, c’est vrai, il y a surement des jeux par ci par là qui sont moins extrêmes dans leurs visions, mais l’inconvénient des avis modérés, c’est que c’est chiant à analyser. En tout cas, force est de constater que les religions actuelles, monothéistes ou polythéistes, sont peu représentées dans l’univers virtuel !

En effet, les créateurs préfèrent de loin réutiliser des religions disparues, empreintes de mysticisme et de légendes (Dieux grecques, nordiques, mayas, tout y passe !), ou alors créer eux-mêmes une religion pour les besoins de leurs jeux. SMITE, un MOBA particulièrement récent, ne propose que des dieux anciens comme personnages (même si les joueurs réclament Jésus à corps et à cris, plus ou moins sérieusement). The Elders Scrolls est un univers polythéiste où les dieux occupent une présence ENORME ! Comptez le nombre de quête que vous devez faire pour ou contre tel Prince Daedra. Dans Fallout, un petit groupe d’illuminés vient vous briser les noix avec leur culte de l’ogive nucléaire.

On ressent donc à quel point les développeurs peuvent avoir peur de ce sujet sensible. Il est bien plus facile pour eux d’utiliser des dieux que plus personne ne vénère, et encore plus simple d’inventer une religion. Sachez tout de même qu’il fut demandé aux créateurs de SMITE de retirer les dieux hindoux du jeu, puisque ce sont les seuls ayant encore des adeptes dans le monde actuel (avec peut-être les dieux chinois, sans certitude…), ces derniers estimant qu’il était dégradant et insultant pour eux de voir leurs dieux mis sur un pied d’égalité avec d’autres dieux d’autres religions.

Pour votre culture personnelle, sachez qu’il existe officiellement une religion Jedi, réunissant près de 200 000 adeptes rien qu’au Royaume Unis. Peut-être qu’un jour, Bethesda se verra attaquer en justice par les adorateurs de Molag Bal…

castlevania-lords-of-shadow

Greg Perreault, chercheur de l’Université du Missouri, s’est beaucoup penché sur la question, et je vous invite à aller étudier ses travaux. L’une des principales idées qui ressort de ses recherches mérite notre attention : pourquoi les religions existantes dans la réalité sont-elles minoritaires dans le paysage vidéo ludique, écrasées par les religions fictives ou morte. La réponse à cette question s’étale sur deux théories :
• La religion est violence. Bien que (presque) toutes ne se veulent que paix et amour divin, l’Histoire s’écrit avec du sang, non avec de l’amour. Nous avons donc une flopée de pages de notre Histoire remplies de massacres, de guerres et d’atrocités commises au nom de la Religion. Comme le jeu vidéo est très apprécié pour sa violence sans conséquences (cf. notre cours précédent), impliquer la religion dans un jeu la rattacherai, de près ou de loin et plus ou moins systématiquement, à la violence. Et ça, la société voudrait l’éviter autant que possible pour se détacher de cette image sanglante qui entache son passé.

• Malgré ce qu’ils peuvent dire pour se défendre, les créateurs de jeux ont toujours la peur plus ou moins inavouée qu’un jeu fasse réellement basculé un joueur dans la folie. Ainsi, garder la religion hors de leur thème, ou en créer une de toute pièce, est pour eux un moyen presque parfait de s’assurer qu’ils ne pousseront personne à la haine religieuse.

Mais éveillons un peu notre réflexion embrumée par tout ce blablatage politique. Quelle soit fictive, morte ou réelle, une religion présente dans un jeu est presque systématiquement un facteur moteur pour le personnage principal. Elle est peut-être la caractéristique principale de son ennemi (ex : terroristes ; Devil May Cry 4) et donc, sur un plan métaphorique plus élevé, un élément perturbateur qu’il faut supprimer. Elle peut-être contextuelle (ex : The Elder Scrolls) et génératrice de quête pour notre héros. Elle peut aussi être inhérente au héros, caractérisant et guidant ses choix, comme une explication à sa personnalité qui ne nécessite aucune justification (Ex : Castlevania : Lord of Shadows).

god-of-war-poseidon

Une chose étrange me vient à l’esprit. Ce barbu de Karl Marx disait de la religion qu’elle était « l’opium du peuple ». Si ce rôle est aujourd’hui grandement assumé par la télévision, cette phrase est d’une vérité particulière au sein des jeux, notamment des (MMO)RPG. Les divinités, généralement multiples donc, soumettent les êtres-vivants, les poussant au travail et à l’adoration en échange de leur clémence. Et quoi de plus vrai ? Dans Skyrim, combien de fois risquez-vous la mort pour faire plaisir à une divinité ? Dans combien de jeux les populations sont-elles en danger par le caprice d’une puissance supérieure ? Vous êtes au final que des pantins, jouant dans les paumes divines, mais aussi terriblement dépendant d’eux puisque vous avez besoin de leurs quêtes pour que votre jeu ait un minimum d’intérêt.

Et malgré cela, le jeu vidéo désacralise complètement la religion ! Souvenez-vous de la citation de Nietzsche, lors de mon précédent cours ! Les Sims : Medieval, Black&White et bien d’autres vous mettent dans la peau de divinités. Vous êtes un dieu, littéralement, libre d’élever ou de détruire vos civilisations ! D’autres jeux vous font massacrer du dieu à la chaîne, comme s’ils n’étaient que des poulets dans un abattoir! (SMITE, God Of War). Mais bon sang, il y a 500 ans à peine, on aurait tous été brulés vifs pour ça ! Le caractère sacré du divin disparaît complètement derrière l’écran, tout comme celui de la vie qu’on peut se permettre de donner et de prendre sans scrupules. Mais comme le disait Antonio Machado, « le blasphème fait partie de la religion populaire ».

Pourtant, si le divin est mis à mal, la foi, elle, est placée sur un piédestal comme jamais ! Quelle étrange contradiction, n’est-ce pas ? Les (MMO)RPG font régulièrement de vous des dévots, champions des Dieux dédiés à leur gloire, des offrandes leur sont faites par les PNJ comme par vous-même, le fanatisme religieux y est représenté plus que raison. La foi est même poussée à un tel point qu’elle va jusqu’à influer sur le gameplay : bénédiction divine (comme après une prière à un autel dans Skyrim), bonus d’offrandes, armes ou pouvoirs donnés par les dieux, la liste est longue !

Terminons notre sujet avec une vision inversée : OK, les jeux vidéo ont une vision multiple de la Religion, présente mais désacralisée, voire politisée. Mais comment les Religions, elles, perçoivent le jeu vidéo ?
Par répondre à ceci, sachez que l’Arabie Saoudite a interdit la vente des jeux Pokemon en l’accusant de propagande juive (à cause d’un symbole en forme d’étoile de David sur les cartes à jouer), des protestants extrémistes y voient quant à eux des inspirations sataniques et occultistes (oui, des bébêtes, des combats, ça fait très rituel satanique tout ça…)
D’autres jeux, comme Doom et tous ceux traitant de démons, de vampires, et autres, sont régulièrement accusés de véhiculer des idées sataniques.

Bien sûr, comme toujours, seuls les groupuscules et les idées les plus extrémistes sont remarqués, la majorité silencieuse étant oubliée. Mais tout de même, il faut croire que le jeu vidéo est généralement plus bienveillant à l’égard des religions, que les religions le sont à l’égard du jeu vidéo…

C’est ainsi que s’achève notre cours sur la religion dans le jeu vidéo ! Pour la prochaine fois, je vous demande de lire le chapitre 5 de « Quand les geeks régneront sur la planète », pour préparer notre cours sur le fantasme.

freeman

Facebook Twitter Pinterest Linkedin Tumblr Email

A propos de l'auteur :

Jarps

Jarps n'aiment pas l'IRL. Jarps préféreraient sentir le poids d'une armure sur ses épaules que celle d'un costard-cravate . Alors, Jarps s'évadent dans le multivers vidéo ludique qui remplit sa tête de rêves...(oui, tout les verbes sont au pluriel, on est plusieurs dans ma tête)

a écrit 41 autres articles sur Gam3-over.com.

Comment trouvez-vous le site ?

Loading ... Loading ...

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Powered by WEBTeck © 2015 Gam3-over.com. Reproduction interdite. Tous droits réservés.