Nom de l’œuvre : Dr. Frost Auteur : LEE Jong-bum Artiste : LEE Jong-bum Parution : 2011 Origine : Corée du Sud (manhwa) Genre : Seinen, Drama, Psychologie, Etat : Scans : En cours ; Anim : Aucun Personnages Principaux : Dr. Frost (ou Dr. Baek) / Seong-Ah

Pitch :

Le monde est bercé par l’exercice de professionnels, dans le cadre de la santé, de services divers comme la restauration, ou même des choses nous touchant plus intimement.
Qu’en est-il de notre esprit ?
Dr. Frost, petit génie de la psychologie, s’intéresse à la complexité du comportement humain et des mécanismes psychiques en étudiant divers cas, dans le but d’assouvir sa soif de connaissances… ou de trouver un dérivatif à une palette émotionnelle tronquée.

Critique :

Il faut tout d’abord garder à l’esprit que nous sommes ici dans un ouvrage coréen, le manhwa. Ces productions se différencient surtout par le style graphique, qui est relativement similaire d’un manhwa à l’autre, des pages qui sont toutes colorées, soient longues, soient présentant peu de cases. A l’heure de ces quelques lignes, la série comporte 88 chapitres. En qualité d’amateurs de lectures en tous genres – évidemment -, ils ont paru bien courts tant l’auteur arrive à susciter notre intérêt dès l’attaque.

Le style graphique proposé est simple, mais léché. Les couleurs choisies sont appropriées, de ce côté-là il n’y a rien de particulier à redire, les bases sont solides. On pourrait donc penser qu’on a affaire à une production classique, cependant, quelques démarcations peuvent être relevées dans le domaine du dessin. En parlant de psychologie, on peut faire le lien avec l’émotion et le comportement. La solidité de ce webtoon repose sur la maîtrise de la transcription de mimiques, attitudes et autres petits détails expressifs, par l’artiste. De même que les émotions sont perceptibles sur les visages de nos protagonistes, normal pour un dessinateur direz-vous, effectivement, mais pour aborder ce thème compliqué qu’est la psychologie il faut que ces détails techniques soient irréprochables, ce qui n’est pas loin d’être le cas.
On alterne des passages tout ce qu’il y a de plus normaux, avec d’autres où les personnages subissent une transformation “chibi”. Sans toutefois faire régresser ses acteurs à un stade enfantin, ils sont transformés en de plus petites versions d’eux-mêmes, accentuant de ce fait des scènes que l’on pourrait qualifier de burlesques.

Que peut nous proposer Dr. Frost en plus d’une patte visuelle fiable. Ce sujet, rarement ou mal traité dans les autres ouvrages du type, qu’est la psychologie. Les premiers chapitres mettent directement en avant notre héros qui nous arrachera un petit sifflement d’admiration devant sa prestation digne de Lie to Me et éventuellement pour sa dégaine singulière complètement classe. Le déroulement suit un plan somme toute classique, des arcs qui vont se concentrer sur un cas ou un pan de la vie d’un personnage important de la série. L’un comme l’autre étant tout aussi intéressants, nous apprenant des vérités psychologiques absolument passionnantes et nous donnant du grain à moudre sur nos expériences personnelles.
Un aspect négatif peut néanmoins naître de cette architecture relativement rigide, une impression de linéarité. Même à l’intérieur des chapitres, l’avancement s’effectue sur un modèle que l’on retrouvera tout le temps. Pourtant le contenu s’efforce de nous faire balayer cette impression et y arrive.
La résolution d’un cas ayant pour patient un homme dont les relations amoureuses ne tiennent pas du fait d’une enfance passée à rechercher l’approbation et l’amour de ses parents, une mystérieuse phobie scolaire… tout y passe. Les pensées de ces professionnels fictifs sont assez détaillées pour que l’on ne soit pas laissé sur le bord de l’autoroute de ces esprits disséqués.

Contrairement à d’autres œuvres, Dr. Frost ne veut pas en faire trop sur le casting, il n’y a pas trop de personnages, mais assez pour que l’on ne se sente pas dans un vide permanent. Les intervenants peuvent ainsi faire état de leur personnalité, leur souci, en bref s’exprimer pleinement. Autre bon point adressé à notre professeur désormais préféré, les figures passés reviennent parfois mêmes après résolution de leur affaire, permettant ainsi, même si ce n’est que pour une poignée de cases, de revoir cette silhouette humaine, pourtant fictive, à laquelle on avait pu s’attacher.
Dr. Gaek (ou Frost) constitue un personnage aussi mystérieux qu’agréable. Distant, voire complètement froid, mais dégageant un charisme inattendu pour un personnage de BD, on se retrouve à suivre, en plus des divers dossiers, son évolution personnelle. On sent dès le départ que quelque chose cloche avec lui, sans trop savoir quoi, notre curiosité sera bien évidemment récompensée plus loin dans l’ouvrage et ouvrira une autre dimension à cet homme déjà fort intéressant. Et dans le fond, Gaek et la profession qu’il exerce incarnent un véritable paradoxe…
A l’origine d’une grande partie des situations comiques dans l’histoire, il n’y a aucun doute sur le fait que c’est un personnage principal très réussi et qui contribue fortement à l’attrait du lecteur pour ces quelques planches dessinées.

En cela, sur le thème proposé comme sur la façon dont il est traité apparaissent quelques interrogations. D’une part sur la profondeur comportementale de la race humaine, dans ses mécanismes, ses traitements, mais aussi sur la fiabilité de ces derniers, quand nous sommes tous supposés être uniques…
Également la perception de l’homme comme perpétuel client en face de la société, client est d’ailleurs un terme qui revient très souvent dans la bouche de Baek. Certes le Prof. constitue un être particulier, détaché de tout, mais la réalité n’est pas si différente et constitue une question philosophique que l’on peut se poser.
Enfin la partie taboue que revêt la consultation psychologique est clairement mise en évidence durant l’histoire. Le modèle coréen est pris car l’histoire se déroule au pays du matin calme, mais il n’est pas spécialement évident d’effectuer une séparation avec le reste du monde. Est-ce que vouloir traiter des problèmes qui n’ont pas de manifestions physiques est un aveu de faiblesse ?

Prof. Frost comme nous l’appellerons intimement nous propose une trame neuve pour le genre, complète et haute en couleur sur le fond. A l’image de l’ascension d’un pic élevé, il est impossible, au commencement, de dire où cela va s’arrêter, mais la montée s’avère terriblement excitante et addictive. Frost en lui-même déborde de charisme et impose le respect dans son attitude, un respect qui pourrait se résumer en un mot : cool.
Si le tout semble globalement très vendeur, on retrouvera quelques défauts ici et là, comme évoqués avant, la linéarité des enchaînements de chapitres ou même certains passages qui font très clichés.
Allons, soyons épicuriens, le moment à passer est réellement excellent – pour peu que vous ne soyez pas allergique à la psychologie !