Chroniques


Louve-LAN, épisode 2 : Chienne de guerre

Rédigé par Louvellan       dans  Louve-LAN       14 Mars 2014

Salutations, camarades lecteurs, et bienvenue à cette nouvelle édition de Louve-LAN ! Point de baston virile les yeux dans les yeux cette fois-ci, on prend de la hauteur, on met un bel uniforme avec une tétrachiée de galons dessus et on se mesure l’intellect, parce qu’on s’attaque aujourd’hui aux jeux de stratégie.

Pour commencer, un éclaircissement. A mes yeux, un véritable jeu de stratégie fait appel aux sens stratégiques du joueur. Avant de lever les yeux au ciel en maugréant, laissez-moi finir ; la stratégie, c’est décider. Quoi faire, où défendre, où attaquer, créer les opportunités, exploiter les failles, battre l’adversaire avant même que les premiers coups de feu soient tirés. C’est faire usage de ses capacités intellectuelles, de sa fourberie, de son sang-froid, bref, c’est censé faire réfléchir. Voilà ce que c’est, la stratégie.
J’aimerais donc qu’on m’explique ce qu’il y a de stratégique dans la course au clic par minute qu’on trouve dans la majorité des jeux soi-disant de stratégie, avec Starcraft au premier plan. Oui, vue d’en haut, on contrôle des unités, c’est bien. Mais à la vitesse où vont les parties, la frénésie imposée au joueur, l’importance suprême des build orders respectés à la seconde près… Ce n’est même pas de la tactique, mais de la seule dextérité bête et méchante. Si vous avez tout bien appris par coeur et que votre coordination main-oeil est meilleure que celle de votre adversaire, c’est dans la poche. Et votre sens stratégique dans tout ça ? Oah, non hé, c’est pas drôle de réfléchir en jouant.

Et c’est ce genre-là qui est le plus populaire. Pardonnez-moi, je vais manger un arbre.

Ca va mieux. Vous l’aurez compris, je me fais une idée assez particulière (et exigeante) du jeu de stratégie. Il me faut de la profondeur, des tas de possibilités, de la grande échelle, des niveaux de zoom incroyables, et aussi peu de micro-management que possible. En gros, je veux pouvoir me dire, si je perds, que l’autre a été plus malin que moi, mais pas parce qu’il a cliqué 1,5 fois plus vite que moi ou qu’il a construit une caserne avant une usine de blindés.

Malin comme un singe

Ma première recommandation pour une bonne LAN digne de ce nom sera tout naturellement, pour ceux qui y ont joué, RUSE.
Premier grand jeu de stratégie des Parisiens de Eugen Systems (les mecs responsables des plus récents Wargame : European Escalation et Airland Battle), RUSE est l’essence même du jeu de stratégie.

La tête du mec de droite ! Moquez-vous, vous allez souvent tirer la même pendant vos premières parties.

La tête du mec de droite ! Moquez-vous, vous allez souvent tirer la même pendant vos premières parties.

Situé pendant la seconde guerre mondiale, un conflit où le subterfuge a été employé très souvent par tous les camps, RUSE est l’aboutissement d’une volonté assumée de l’équipe d’Eugen de revenir au vrai jeu de stratégie. La description que je vous ai faite de la stratégie en introduction est véritablement incarnée par RUSE. Eugen y a inclus le moins de micro-management possible, et s’est concentré sur les grands aspects du champ de bataille. Chaque type d’unité a ses forces et ses points faibles, certaines sont spécialisées (comme l’équipement antichar), tandis que d’autres sont versatiles (un chasseur bombardier peut attaquer n’importe quelle cible). Le jeu propose 6 nations, dont la France et l’Italie, et l’une des particularités intéressantes de RUSE tient en ce que chaque nation a des caractéristiques très particulières inspirées de leur rôle, leur attitude et de leur état pendant la guerre.

Impossible malheureusement de recréer des débarquements amphibies, le jeu n'offrant aucune unité navale.

Impossible malheureusement de recréer des débarquements amphibies, le jeu n’offrant aucune unité navale.

Par exemple, les Soviétiques produisent leurs unités très rapidement et n’ont aucune structure défensive, illustration du rouleau compresseur russe qui n’a jamais fait marche arrière après Stalingrad. La France se joue exactement à l’opposé, avec des unités plutôt lentes à la construction et en déplacement, mais puissamment blindées (et oui, notre armée était loin d’être aussi ridicule qu’on le croit à l’époque) et dangereuses au contact, ainsi que les meilleurs bunkers du jeu, inspirés de la ligne Maginot. Chaque nation a des forces et faiblesses intéressantes et tout à fait logiques, ce qui fait que les affrontements entre plusieurs pays différents ont une saveur toute particulière et rarement prévisible.

Le gameplay contient de la construction de base, de la gestion de ressources, la construction et le déplacement des unités. Le tout est relativement simplifié, chaque problème a sa solution et les joueurs d’un niveau à peu près équivalent vont devoir réfléchir pour trouver une faille chez leur adversaire et prendre l’avantage. Et c’est là que RUSE s’exprime dans toute sa splendeur.

Rusé comme un renard

Chaque joueur a accès à un certain nombre d’actions, attribuées au fil du temps, appelées ruses, sobrement. Elles sont déclenchables à n’importe quel moment, mais doivent être appliquées à l’une des zones de la carte, prédécoupée en secteurs. Ces ruses peuvent être assez simples, comme le Blitz qui accélère le déplacement des troupes, ou le Fanatisme qui les contraint à se battre jusqu’à la mort. Les choses se compliquent avec le Silence Radio, qui rend vos unités invisibles à l’ennemi (pas de brouillard de guerre dans RUSE, on voit tous les bâtiments et la forme des unités, lourde ou légère, jusqu’au contact visuel par une unité alliée) ou la Guerre Psychologique, qui fera battre l’adversaire en retraite plus rapidement.

RUSE a une certaine allure, qui doit beaucoup à son épatant niveau de détail et de zoom.

RUSE a une certaine allure, qui doit beaucoup à son épatant niveau de détail et de zoom.

Il y a bien plus, et chaque ruse ouvre un champ de possibilités tactiques et stratégiques vertigineux. Voici un exemple basé sur des faits réels, pour que vous compreniez mieux l’affaire.
Vous êtes en face de la base adverse, lourdement défendue, vos chars sont en plein engagement avec les siens, des gens meurent, qu’est-ce qu’on s’amuse.
Puis le voilà qui balance Guerre Psychologique sur vos unités. La bataille, qui était jusqu’à alors indécise, tourne en sa faveur alors que vos chars battent peu à peu en retraite, les empêchant de répliquer. Ca s’annonce mal.

Par chance, pendant l’assaut, vous avez remarqué qu’une forêt borde l’un des flancs de sa base. Sachant qu’il y a de grandes chances que votre adversaire ait le regard braqué sur la bataille en cours, ivre de joie à l’idée de repousser vos forces et désireux de ne laisser aucun survivant, vous décidez de tenter une manoeuvre audacieuse. Montant une contre-attaque pour l’occuper, vous créez quelques unités de soldats, bons marchés, rapides sur route, pouvant se dissimuler à la vue de l’ennemi dans un couvert naturel et capturer des bâtiments.

Il est possible de jouer depuis la table d'opération, mais aussi de se rapprocher pour une violence plus intime.

Il est possible de jouer depuis la table d’opération, mais aussi de se rapprocher pour une violence plus intime.

La suite, vous la devinez. Pendant que vos chars se rendent au front et que lui prépare les siens pour les accueillir, vous passez vos troupes en silence radio le temps qu’ils gagnent la forêt, après quoi vous passez la zone où se trouve la base ennemie en Blitzkrieg et vous envoyez vos soldats capturer chaque bâtiment. Le temps que votre adversaire réagisse aux roulements de tambour qui signalent la capture d’un bâtiment et qu’il réagisse, il sera déjà beaucoup trop tard, et vous aurez alors gagné malgré votre infériorité numérique. Si on était dans un FPS, un teabagging prononcé et prolongé serait de rigueur.

Rieur comme une mouette

Imaginez à présent la chose dans un salon, avec vos amis, de la bonne bière et un saladier de Boulettes de Poulet Pané Façon Louvellan. Le regard du type dont vous venez de ravager toute la base sans un coup de feu, simplement parce que vous avez été malin et rapide dans votre décision pendant qu’il était occupé à jouer les bourrins. Vous comprendrez alors la place si particulière de RUSE dans mon petit coeur et dans ce dossier. C’est un jeu magnifique, riche, complexe, très accessible donc parfait pour les débutants, amusant et accrocheur. Et Français. Jouez-y, seul, avec vos amis, avec du poulet, avec vos amis et du poulet.

Je pense sincèrement que pour un cercle d’amateurs de stratégie, on ne fait pas beaucoup mieux que RUSE. Je regrette que Eugen ait délaissé la formule accessibilité/profondeur stratégique pour se concentrer sur de la simulation de stratégie militaire beaucoup plus pointue et authentique. Si la série des Wargame est d’excellente facture, le public visé n’est pas du tout le même et on tape dans une courbe de progression bien plus raide et un gameplay qui convient à mes yeux moins à une LAN et plus à du jeu en ligne “sérieux”. Ne boudez pas pour autant cette excellente série, dont le dernier opus, Red Dragon, est en passe de sortir. Eugen semble être en excellente forme, ce qui me laisse l’espoir d’une suite éventuelle à RUSE, un jour.

Le mode Nucléaire accélère la récolte de ressources et donc le rythme. Oh, et vous pouvez balancer des bombes nucléaires sur les autres.

Le mode Nucléaire accélère la récolte de ressources et donc le rythme. Oh, et vous pouvez balancer des bombes nucléaires sur les autres.

Mentions honorables, sur lesquelles Louve-LAN reviendra tôt ou tard plus en détails : DEFCON, Age of Empires II, Supreme Commander, Sins of a Solar Empire, Planetary Annihilation, Leviathan : Warships (si le Matou et moi décidons de nous y mettre sérieusement).

Bourré comme un coing

Rassurez-vous, je n’ai pas oublié la seconde partie de Louve-LAN, la recette ! Je vais vous présenter aujourd’hui un cocktail cher à mon coeur et en lien avec le sujet de cette chronique : le Blue Devil.

Cocktail acidulé et savoureux, le Blue Devil se sert dans un verre à Martini, en short drink. Il laisse un goût agréable, légèrement amer, dans la bouche, et a une teinte bleutée très élégante. Son nom et ses sensations se marient très bien avec le fait d’envoyer des centaines d’hommes vers une mort certaine, même si ce n’est pas un pré-requis pour l’apprécier, rassurez-vous.

blue_devil

Vous aurez besoin de ça :
– Du gin, type dry, ça se trouve sans difficulté – 40 ml
– Du curaçao bleu, qui est de la liqueur d’agrumes. Ca reste assez courant en grande surface – 20 ml
– Du jus de citron, les petites bouteilles jaunes font l’affaire, mais du jus de citron type Pulco sera plus approprié – 20 ml
– Du sirop de sucre de canne, pas particulièrement rare non plus. Attention une fois ouvert, ça colle si vous en foutez partout – 10 ml ( note : peut se substituer par 10 ml de liqueur de cerise Maraschino, mais bon courage pour en trouver en France)
– Une rondelle de citron pour la déco. Pas indispensable.
– Des glaçons. Pensez à en mettre pas mal de côté au préalable, c’est nécessaire à tout cocktail.

Le reste se fait simplement ; Prenez un shaker (vous pouvez vous rabattre sur n’importe quel récipient que vous pouvez fermer hermétiquement à coup sûr, mais préférez toujours un shaker), dans lequel vous disposerez deux glaçons.
Là-dessus, rajoutez vos ingrédients, l’ordre importe peu. Ne faites pas de moulinets avec vos bouteilles si vous ne savez pas ce que vous faites, c’est dangereux.
Refermez votre shaker, assurez-vous qu’il soit bien hermétique (j’insiste lourdement sur ce dernier point), et agitez-le pendant une dizaine de secondes avec la fureur du jeune Ronald Reagan découvrant que le Père Noël s’habille en rouge.
Versez le mélange ainsi obtenu dans un verre à martini, reconnaissable à leur forme en V, ou dans n’importe quel récipient, tant qu’il est transparent. Sinon, vous ne pourrez pas vous faire mousser auprès de vos amis avec votre verre rempli de cette liqueur élégamment bleutée, et vous ferez moins Général.
N’oubliez pas la rondelle de citron décorative. Même en temps de guerre, on ne transige pas avec le protocole.

Vous pouvez l'allonger en doublant les ingrédients. Attention au retour de bâton.

Vous pouvez l’allonger en doublant les ingrédients. Attention au retour de bâton.

Une remarque de santé publique avant de conclure ; vous vous en doutez peut-être au vu de ces ingrédients, mais le Blue Devil est très, très fort. Pas en goût, ça passe délicatement, et ça laisse une saveur tropicale et agréable, mais si vous en abusez, ça peut vous détruire. Si une partie de RUSE avec quelques Blue Devil dans les gencives peut devenir particulièrement intéressante (il existe pas mal de recueils de poèmes écrits sous l’influence de l’alcool, comme quoi la créativité peut être libérée par le Ricard ou le gros rouge, et on dirait pas), rentrer chez vous en bagnole dans le même état est dangereux pour vous et les autres. Alors faites pas de connerie.

Voilà pour ce deuxième épisode de Louve-LAN. A bientôt pour l’épisode 3, la revanche de Jar-Jar.

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A propos de l'auteur :

Louvellan

Quentin, 22 ans, rédacteur pour GO. Licencié en langue et civilisation anglophone, ancien khâgneux. Auteur freelance, directeur de Chanal CORP, auto-entreprise de rédaction sur commande.

a écrit 25 autres articles sur Gam3-over.com.

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